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CLAIRE & BRUNO
16 septembre 2010

Mais alors, c'est qui, Barbara ?!!

L'HOMME - Je t'aime.
LA FEMME - Ah ben ça tombe bien moi aussi.
L'HOMME - C'est cool ! Bon, on va chez toi ?
LA FEMME - Oh non, c'est trop loin.

Je suis très content de ma scène, d'un romantisme échevelé, soutenu par un érotisme sous-jacent torride. Ça commence bien.

Ah, un instant, il manque un truc.

Les personnages n'ont pas de nom !

Quand on écrit un scénario, une nouvelle, ou n'importe quelle fiction, il y a toujours une étape, cruciale ou non, mais obligatoire : il faut donner un nom à ses personnages. Leur donner une chance d'exister. C'est (presque) comme quand un bébé arrive au monde, la première chose qu'on lui demande c'est son nom, après tout.

Pour ça, il y a plusieurs recettes.

D'abord, la solution la plus simple : je vais pas m'enquiquiner, je vais leur donner des prénoms courants, les premiers qui me passent par la tête. D'une syllabe, si possible, ce sera plus rapide à dire, et à écrire, faut penser à mes poignets, si ça tombe va y avoir plein de dialogues après. Bon, voyons voir.

MARC - Je t'aime.
CLAIRE - Ah ben ça tombe bien moi aussi.
MARC - Super ! Bon, on va chez toi ?
CLAIRE - Non, c'est trop loin.

Ah, ça a tout de suite plus de gueule ! Des noms tout simples tout bêtes, hop, le tour est joué. Allez, on tourne !

Minute. Claire, j'ai déjà fait dans le scénario précédent. Zut. Bon, ben tant pis, appelons-là, euh... tiens, au pif, Françoise.

MARC - Je t'aime, Françoise.
FRANÇOISE - Ah ben ça tombe bien, moi pareil.

Rho l'andouille ! Pourquoi faut-il qu'il l'appelle par son prénom ? Elle le sait bien, comment elle s'appelle, elle n'a pas besoin qu'il le lui dise ! Il a brisé toute la magie de ce moment intime. Mmm... En tout cas, je ne suis pas convaincu. Ça sonne pas bien.

Bon. On va pas se casser la tête. On va leur donner les noms les plus répandus. Voyons voir, c'est quoi le top prénoms 2010 ? Petite recherche. Ça donnerait ça :

LUCAS - Je t'aime.
EMMA - Moi aussi.
LUCAS - Chouette ! On va chez toi ?
EMMA - Non, c'est trop loin.

C'est malin maintenant j'imagine des bébés qui parlent, à force de vadrouiller sur les sites de prénoms. Et puis, EmmA, LucA, tous ces A c'est caca.

Non, faut que je réfléchisse plus que ça. Faut que je leur trouve un sens, à ces prénoms. Il faut qu'on se dise, à la lecture de cette scène, qu'ils ne pourraient pas s'appeler autrement.

Ah oui mais ça veut dire qu'il va falloir que je réfléchisse à mes personnages ! Aïe aïe aïe, la prise de tête ! C'est embêtant, je suis impatient d'arriver à l'écriture de la scène de fusillade, où tout explose (c'est facile à écrire : BOUM). Enfin tant pis, après tout faudra bien y passer un jour.

Voyons, qui sont-ils, ces gugusses ?

C'te question !

Bon, ça doit venir de moi, toute cette histoire. D'un truc passé, ou imaginé. Allez, assumons.

LIONEL - Je t'aime.
NATHALIE - Oui, je suis pas sourde.
LIONEL - Non, c'est vrai. Euh, on va chez toi ?
NATHALIE - Trop loin. Je t'ai dit.

C'est un peu gros quand même. Et puis j'écris pas pour raconter ma vie, qui ça intéresserait ? Sans compter que c'est un peu gênant, j'ai prévu une scène de sexe après. Soyons pudique, et humble. Sans compter que les Nathalie que je connais vont peut-être se sentir visées. Non. Ou alors, recourons à un habile subterfuge.

LAURENT - Je t'aime, Nath... euh, Noémie.
NOEMIE - Goujat !
LAURENT - Excuse, euh... Je suis un peu perdu. Je ne sais plus qui est qui à force.
NOEMIE - Bon, ça fait rien. J't'aime bien quand même !
LAURENT - C'est vrai ? Super ! On va chez toi ?
NATHALIE - Dis donc, quand t'as une idée en tête toi....

Héhé, on n'y voit que du feu. Il ne reste que la première lettre, pour donner de la matière aux adeptes de la psychanalyse. En parlant de ça, je me rends compte en me relisant que j'ai fait un beau lapsus, ma Noémie s'est transformée en Nathalie. C'est le risque. Non, en fait, ça va pas non plus. Et puis j'en connais aussi, des Laurent et des Noémie, ils vont croire que je parle d'eux. Enfin, si je prends ça en considération, j'ai pas fini...

Et si je prenais des noms inusités ? Issus du passé, de la mythologie, ... Oh oui ! La mythologie ! Ça fait intello !

OEDIPE - Je t'aime. Tu me fais penser à ma mère.
ELECTRE - Ah ben merci ! Quoique, elle est sûrement mieux que la mienne, cette vieille bique.

Ouh là, ouh là ! Mes beaux dialogues sont en train de partir à vau-l'eau ! Non, la mythologie, après tout, c'est suranné.

Mmm... Des personnages célèbres ? De la littérature ?

ROMEO - Mon cœur s'enflamme devant ton œil ardent !
JULIETTE - Mon doux Roméo ! Tes mots me troublent, me chavirent, m'emportent au gré de la brise exquise de ton éclatant murmure !
ROMEO - Je suis transporté d'allégresse... Allons dans ton auguste demeure, afin de célébrer notre hymen à l'abri de la voûte étoilée !
JULIETTE - Hélas, mon doux Roméo, tu m'en vois marri, mais mon foyer est à des lieues d'ici... Ô distances impies, qui séparent les amants !

Bon. Ça se complique. Voilà que les prénoms se mettent à parasiter les personnages et leur façon de parler. Je commence à perdre le fil, moi aussi.

Remettons les pieds sur terre. Roméo et Juliette, c'était une bonne idée, vu que, c'est évident, je voulais à la base me rapprocher de la flamboyance romantique de cette histoire d'amour à la lourde destinée. Conservons le stratagème de l'initiale pour donner un sens à mes prénoms communs.

ROGER - Devine ce que je vais te dire ?
JOSIANE - Epargne ta salive, va.
ROGER - On tourne en rond, non ?
JOSIANE - Moi, ça va. J'attends de savoir comment je m'appelle. Mais je m'impatiente.

Non plus. Mais à vrai dire, je n'y croyais pas trop. Et si je mettais des prénoms vraiment, mais vraiment datés ? Eh oui ! Pourquoi ça se passerait à notre époque après tout ? L'amour est intemporel ! Intemporel et universel !

ENGUERRAN - Viens là, que je te pète le fion !
CUNÉGONDE - Non mais ça va pas ?!!!
ENGUERRAN - Pardon... Je me disais que ça ferait peut-être médiéval...
CUNÉGONDE - Tu te fourres la masse d'armes dans l'œil, mon pauvre ami.

C'est ça, et après je sors les armures ? On refait Excalibur ?

J'ai l'impression que je m'enlise, avec cette histoire de prénoms. Allez, on efface tout et on recommence. Faisons simple.

X - Je t'aime, Y.
Y - Mais, X, j'en aime un autre !
X - Saperlipopette ! Qui ? Donne-moi un nom !
Y - Euh... W.
X - Je croyais que W était avec Z !
Y - Ah non, Z est avec X...
X - Mais X, c'est moi !
Y - Oh là là...

Bon ça suffit vous deux ! Arrêtez de vous foutre de moi. Laissez-moi réfléchir tranquillement.

X - Nous, on veut bien, le coup des lettres, mais Y ce devrait être moi. C'est moi le mec, donc c'est plus logique que X ce soit la fille.
Y - Oui.
X - Rapport aux chromosomes.
Y - Voilà.

Ils m'énervent, ils m'énervent. Bon. Vous l'aurez voulu.

TRUC - Je t'aime.
MACHIN - Oui, moi aussi, et caetera.
TRUC - Tu pourrais faire un effort, tu vois pas qu'il craque ?
MACHIN - À quoi bon ? C'est qu'un article pour son blog.

STOP ! Arrêtez de changer mes dialogues ! Jouez un peu le jeu, quoi... Bon allez qu'on en finisse, j'ouvre mon téléphone et je prends deux noms au pif, et on n'en parle plus.

CELINE FIX - Coucou frérot !
CRRAV PARC MATOS - Il me faut une confirmation de réservation.
CELINE FIX - Ça vaaaa ??!
CRRAV PARC MATOS - Oui. Mais votre cotisation n'est pas à jour.

J'ai vraiment pas de chance aujourd'hui. Et puis ces deux loustics qui font les malins...

CRRAV PARC MATOS - Hé hé hé.

Et ça ? J'ai pas essayé.

LUI - Et ron et ron petit patapon.
ELLE - prout prout tagada tsoin tsoin.

C'est pas mal. C'est poétique. Presque. J'ai peur que ça fasse un peu feignasse, aussi.

Tant qu'à faire...

L'HOMME - Je t'aime.
LA FEMME - Oui ben c'est comme au début, quoi.
L'HOMME - Mes sentiments pour toi ne changent pas.
LA FEMME - Peut-être mais je ne sais toujours pas qui tu es.

Eh bien tant pis ! Vous ferez connaissance plus tard. Non mais ho. À cause de vous deux j'ai même pas pu expliquer comment j'ai choisi les noms de mes personnages. C'était quand même l'objet de l'article, à l'origine. Mes lecteurs ne sont pas plus avancés, maintenant !

LA FEMME - Bon, bon, d'accord...
L'HOMME - Euh... Donc, je disais : je t'aime.
LA FEMME - Ah ben ça tombe bien moi aussi.
L'HOMME - C'est cool ! Bon, on va chez toi ?
LA FEMME - Oh non, c'est trop loin.
L'HOMME - C'est-à-dire ? C'est où ?
LA FEMME - Euh...
L'HOMME - ...

...

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